Selon la note de conjoncture des finances locales de la Banque Postale publiée en septembre 2023, la gestion des budgets locaux en 2023 se trouve dans une situation difficile, marquée par une série d'événements perturbateurs tels que la crise énergétique et la pandémie mondiale. Cette situation soulève des interrogations quant à la pérennité de la décentralisation.
Malgré une augmentation atteignant 172,8 milliards d'euros en 2023, soit une hausse de 3,2%, le niveau des recettes fiscales ne suffit pas à compenser la croissance des dépenses sociales, du prix de l'énergie et de l'alimentation, ainsi que de la masse salariale. Les recettes provenant des droits de mutation immobilière sont en baisse, ce qui entraîne une réduction de l'autofinancement. Désormais, l’orientation future repose sur deux piliers essentiels : la gestion de l’inflation d’une part, et la transition écologique d’autre part, qui s’annonce comme un impératif.
En 2023, les dépenses de fonctionnement des collectivités locales connaissent une croissance significative de +5,8%, la plus élevée en près de 16 ans. Cette augmentation est principalement due à l'inflation et à la hausse inattendue des prix, notamment dans les charges générales telles que l'achat d'énergie, de fournitures, d'équipement, d'entretien et de réparation, ainsi que les contrats de prestation de services. Ces dépenses augmentent de +9,4%, dépassant largement le taux d'inflation prévu (+5,4%). [2]
Les dépenses d'énergie des collectivités sont également en hausse, notamment en raison de l'augmentation des tarifs de l'électricité. Cependant, les collectivités bénéficient d'un certain amortissement de l'impact de l'inflation grâce à des mécanismes tels que le bouclier tarifaire.[3]
Les dépenses de personnel représentent une part importante du budget des collectivités et augmentent en raison de diverses décisions gouvernementales, notamment une revalorisation du point d'indice de la fonction publique, des mesures spécifiques pour les bas salaires et une prime "pouvoir d'achat". La masse salariale augmente de +5,1% sur l'ensemble de l'année 2023, en tenant compte de la revalorisation déjà mise en place en 2022.[4]
Des dépenses d’action sociale en hausse
En 2023, les dépenses d'intervention des collectivités locales s'élèvent à 78,0 milliards d'euros, enregistrant une augmentation de 4,2%. Parmi ces dépenses, celles liées à l'action sociale représentent la moitié, soit 38,2 milliards d'euros. En ce qui concerne les départements, les dépenses liées au RSA augmentent légèrement en raison de la revalorisation des allocations intervenues en 2022 et en avril 2023.
Les subventions versées et les contingents obligatoires, d'un montant de 35,4 milliards d'euros, augmentent de plus de 6%. En revanche, les autres dépenses courantes diminuent, notamment en raison de la réduction des dotations aux provisions sur les recettes de DMTO.
Enfin, les
intérêts de la dette connaissent une forte augmentation en raison de la hausse des taux d'intérêt en 2022, atteignant 4,4 milliards d'euros, soit une augmentation de 21,0%. Cependant, leur contribution globale aux dépenses courantes reste mineure, ne représentant que 2,0% de l'ensemble des
dépenses.[5]
Les recettes de fonctionnement totaliseraient 268,3 milliards d'euros, affichant une progression globale de 3,2 %. La taxe foncière sur les propriétés bâties, qui a connu une hausse record en 2023 en raison de la revalorisation des valeurs locatives de 7,1 %, contribue de manière significative à ces recettes, bien que la plupart des communes n'aient pas modifié leurs taux communaux.
La TVA attribuée aux collectivités atteindrait 52,8 milliards d'euros, et le versement mobilité représente 5,2 milliards d'euros, illustrant son dynamisme. Les dotations de l'État, en particulier la DGF (Dotation Globale de Fonctionnement), ainsi que les compensations fiscales, s'élèvent à 40,4 milliards d'euros. [6]
L'évolution positive de l'épargne brute des régions anticipée l'année dernière s'est révélée incorrecte, avec un recul prévu de l'épargne brute pour tous les niveaux de collectivités, à l'exception des groupements qui restent stables. Dans l'ensemble, l'épargne brute devrait diminuer de 9 %, atteignant environ 42 milliards d'euros en 2023, légèrement en dessous du niveau de 2019 qui était de 42,6 milliards d'euros. L'épargne nette, quant à elle, atteindrait 23,5 milliards d'euros. Par ailleurs, l'encours de la dette augmenterait de 2,1 % pour atteindre 206,7 milliards d'euros à la fin de l'année, avec un poids par rapport au PIB de 7,4 %, marquant une baisse sur trois années consécutives, atteignant un niveau qui n'avait pas été observé depuis au moins dix ans. [7]
La crise sanitaire mondiale a eu un fort impact sur le
déficit public puisqu’elle a conduit à une forte augmentation de ce dernier. En effet, le déficit public en 2022 s’élève à 124,5 milliards d’euros en 2022 contre 208,2 milliards en 2020 [8].
Critère de stabilité européen
Alors que le déficit n’est pas censé dépasser 3% du PIB pour l’ensemble des administrations publiques, la France a vu le sien atteindre les 73 milliards d’euros en 2019, franchissant la limite des 3% fixée par le Conseil européen dans le pacte de stabilité et de croissance.
L’après-covid marque un retour à la normale compliqué
Depuis, l’impact brutal de la crise sanitaire mondiale ne lui a pas permis de repasser en dessous de cette barre, la France accusant même 9% de son PIB en déficit en 2020. Contrairement au retour à la normale prévu après le Covid-19, le déficit public est resté très élevé en 2022. En effet, cette période a été marquée par une baisse de la croissance, une hausse du prix de l’énergie, l’invasion de l'Ukraine, et surtout d’un niveau d’inflation qui n’avait pas été aussi élevé depuis début 1980 [9] [10].
Dans le but d’atténuer les impacts du ralentissement économique, l’Etat avait alors mis en place des mesures de soutien (exemple : bouclier tarifaire, fonds pour les ménages et les entreprises…), ce qui explique en grande partie le déficit public. En effet, d’après l’INSEE, le déficit en France s’élevait à 4,7% du PIB en 2022 [11].
Le PLF pour 2024 prévoit d’ailleurs une légère amélioration par rapport à 2023 mais reste supérieur à cette limite de 3%, en prévoyant un déficit de 4,4% au budget 2024. [9]
Situation financière en 2023 selon la Cour de comptes : perspective d’une augmentation du déficit
En raison d’un déficit en hausse, la dette publique reste significativement plus élevée que son niveau de 2019, avec une hausse de 575 milliards d’euros en trois ans, passant de 2 375 milliards d’euros en 2019 à 2 950 milliards d’euros [12]
Selon l’INSEE, le déficit en France s’élevait à 4,7% du PIB [13] contre 5% en 2023. Cela serait lié au ralentissement économique causé par la crise énergétique ainsi que les mesures de soutien qui avaient été mises en place durant la même période [14]. Par conséquent, la situation financière de la France demeurera l'une des plus préoccupantes au sein de la zone euro en 2023. La Commission européenne exprime également des inquiétudes quant à la durabilité de la dette publique à moyen terme [15].
Les recettes publiques continuent de croître, même si ces dernières subissent la suppression de la CVAE ainsi que la taxe d’habitation, qui en font diminuer le montant. [16]
En 2023, les dépenses de fonctionnement des collectivités locales augmentent plus rapidement que les recettes, entraînant une baisse de l'épargne brute de 9,0%. Cette tendance concerne tous les niveaux de collectivités, sauf les groupements qui restent stables. Les investissements augmentent de 9,1%, atteignant 76,0 milliards d'euros, en grande partie en raison de l'augmentation des prix dans la construction. Les recettes d'investissement, hors dette, financent 34% des dépenses d'investissement, avec une progression notable du Fonds de compensation de la TVA (FCTVA) grâce à l'investissement local dynamique. Le "fonds vert" est créé pour soutenir la transition écologique des collectivités locales avec un budget de 2 milliards d'euros en 2023, et ses subventions sont cumulables avec d'autres aides de l'État.
Comme expliqué dans la note de conjoncture de la Banque Postale, le contexte d'inflation et d'incertitude concernant les recettes pose des défis pour le financement de l'action climatique des collectivités locales. L'Institut de l'économie pour le climat estime que les financements dédiés au climat doivent doubler chaque année au sein des collectivités pour respecter les engagements climatiques de la France d'ici 2030.
Pour répondre à cette nécessité, l'État oriente de plus en plus ses crédits vers le financement de la transition écologique. En 2023, le "fonds vert" est créé avec une dotation initiale de 2 milliards d'euros, qui augmentera à 2,5 milliards d'euros en 2024. Cependant, la dotation globale de fonctionnement (DGF) reste stable à 26,9 milliards d'euros, tout comme les dotations de soutien à l'investissement local, qui sont de plus en plus orientées vers la transition écologique.
De plus, certaines dotations, telles que la dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) et la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), seront désormais intégrées au budget vert de l'État à partir de 2024. Le gouvernement a également annoncé une augmentation significative de la dotation biodiversité, qui passera de 41,6 millions d'euros en 2023 à 100 millions d'euros en 2024, soit une multiplication par vingt en cinq ans seulement [17].
Sources :
[1] note-conjoncture-finances-locales-sept2023 (2).pdf
[2] note-conjoncture-finances-locales-sept2023 (2).pdf
[3] note-conjoncture-finances-locales-sept2023 (2).pdf
[4] note-conjoncture-finances-locales-sept2023 (2).pdf
[5] note-conjoncture-finances-locales-sept2023 (2).pdf
[6] Finances des collectivités : pour la Banque postale, 2023 "se terminera difficilement" (lagazettedescommunes.com) ; note-conjoncture-finances-locales-sept2023 (2).pdf
[7] Finances des collectivités : pour la Banque postale, 2023 "se terminera difficilement" (lagazettedescommunes.com) ; note-conjoncture-finances-locales-sept2023 (2).pdf
[8] Le déficit public - La finance pour tous
[9] Le déficit public - La finance pour tous
[10] La situation et les perspectives des finances publiques 2023, synthèse (ccomptes.fr)
[11] https://www.insee.fr/fr/statistiques/7232553
[12] La situation et les perspectives des finances publiques 2023, synthèse (ccomptes.fr)
[14] https://www.ccomptes.fr/fr/documents/63642**
[15] https://www.ccomptes.fr/fr/documents/63642**
[16] La situation et les perspectives des finances publiques 2023, synthèse (ccomptes.fr)
[17] note-conjoncture-finances-locales-sept2023 (2).pdf