À quoi les collectivités doivent-elles s’attendre ?
Le très attendu projet de loi de finances (PLF) pour 2025 a été présenté en conseil ministre le 10 octobre dernier. Les orientations budgétaires du Gouvernement Barnier sont claires : redresser les comptes publics par « un effort aussi urgent que nécessaire » afin de ramener le déficit public à 5 % du PIB en 2025.
Le rétablissement des comptes publics, à hauteur de 60 Md€, soit 2 points de produit intérieur brut (PIB), reposerait sur des hausses de recettes fiscales (19,3 Md€), des économies sur les dépenses de l’Etat (21,5 Md€) et sur le budget de la sécurité sociale (15 Md€).
Les collectivités territoriales ne sont pas exemptées d’effort budgétaire, bien au contraire. Il leur est demandé une contribution de 5 Md€ par différentes mesures que nous détaillons ici.
Précision importante : le débat parlementaire est susceptible de faire évoluer ces dispositifs et leurs modalités d’application. Nous vous tiendrons informés des principales évolutions du PLF jusqu’à son adoption définitive attendue en décembre, au fur et à mesure du débat budgétaire et au cours d’un prochain webinaire.
1. Instauration d’un fonds de réserve pour les collectivités territoriales
C’est la principale innovation du projet de loi de finances pour 2025. « Afin de les associer à l’effort de redressement des comptes publics et de renforcer à terme les dispositifs locaux de précaution et de péréquation », certaines collectivités sont appelées à contribuer à un fonds de réserve.
Concrètement, ce mécanisme consiste à prélever un maximum de 2 % des recettes réelles de fonctionnement des 450 collectivités (communes, EPCI, départements, régions) dont les dépenses réelles de fonctionnement sont supérieures à 40 millions d’euros, constatées dans le compte de gestion du budget principal au titre de l’année 2023.
Exemple : une commune avec 50 M€ de recettes réelles de fonctionnement pourrait être soumise à un prélèvement de 1 M€ maximum pour alimenter ce fonds de réserve.
Exclusions : toutes les collectivités dont les indicateurs de ressources et de charges sont les plus dégradés :
o Les 250 premières communes classées bénéficiaires de la Dotation de Solidarité Urbaine (DSU) en 2024 ;
o Les 2 500 premières communes classées bénéficiaires de la Dotation de Solidarité Rurale (DSR) cible en 2024 ;
o Les établissements publics territoriaux (EPT) de la Métropole du Grand Paris dont l’ensemble intercommunal (EI) n’était pas contributeur, en 2024, au FPIC ;
o Les 300 premiers EPCI à fiscalité propre classés en fonction des deux critères (potentiel fiscal par habitant et revenu par habitant) de la part péréquation de la dotation d’intercommunalité (DI) ;
o Les 20 premiers Départements classés, en 2024, en fonction de l’indice de fragilité sociale ;
o Les collectivités qui n’étaient pas contributrices au fonds de solidarité régionale en 2024.
Déclenchement
Ce prélèvement est déclenché s’il est constaté un écart entre un solde de référence des collectivités territoriales et de leurs établissements publics et le solde effectivement réalisé au cours de l’année précédente.
Ce solde de référence sera déterminé en janvier 2025 selon le calendrier suivant.
Utilisation des sommes prélevées.
Le rendement des prélèvements est estimé par le Gouvernement à environ 3 Md€. Il pourra être inférieur si l’évolution des dépenses locales est plus faible que prévue, en comparaison des soldes de référence.
Les sommes prélevées abonderont à partir de 2026 et pour trois ans, à hauteur d’un tiers par année, des enveloppes de péréquation, telles que le FPIC pour le bloc communal, le fonds national de péréquation des droits de mutation à titre onéreux pour les départements et le fonds de solidarité régionale pour les régions.
2. Gel des fractions de TVA
Les recettes de TVA affectées aux collectivités pour compenser la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) seront gelées en 2025. Une économie de 1,2 milliard d’euros pour l’État.
Concrètement, les montants de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) versés en 2024 aux collectivités locales sont reconduits en 2025, ce qui prive les collectivités concernées (EPCI, départements et régions) de la dynamique attendue -et promise - de cette recette.
Attention : l’État passe d’une prise en compte de la revalorisation de la TVA selon l’évolution de la consommation nationale en année N à une revalorisation selon l’année N-1. Pour 2025, c’est l’évolution 2024 qui sera prise en compte, et en 2026 ce sera l’évolution de 2025.
3. Réduction du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA)
Le taux de remboursement du FCTVA, initialement fixé à 16,404 %, sera abaissé à 14,85 % à partir du 1er janvier 2025. De plus, certaines dépenses de fonctionnement comme l'entretien des bâtiments publics ou l’informatique en nuage, seront désormais exclues intégralement des dépenses éligibles.
Exemple : Si une commune engage 1 million d’euros de travaux éligibles au FCTVA, elle recevra 14,85 % de remboursement en 2025, soit 148 500 euros, au lieu de 164 040 euros.
4. Augmentation du taux de cotisation des employeurs territoriaux
Afin de rééquilibrer les comptes de la Caisse Nationale de Retraites des Agents des Collectivités Locales (CNRACL), le projet de loi de financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) 2025 prévoit une augmentation de 4 points du taux de cotisation des employeurs territoriaux en 2025, puis une augmentation progressive jusqu’en 2027.
5. Stabilité de l’enveloppe de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et des dotations d’investissement
Le montant de l’enveloppe de la dotation globale de fonctionnement (DGF) pour 2025 reste inchangé par rapport à 2024. Le projet de loi de finances pour 2025 pérennise les deux hausses successives du montant de la DGF de +320 M€ en 2023 et +320 M€ en 2024.
Au sein de l’enveloppe de la DGF, le projet de loi de finances pour 2025 prévoit une augmentation de 290 M€ des dotations de péréquation des communes, répartie comme suit : 140 M€ pour la Dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) et 150 M€ pour la Dotation de solidarité rurale (DSR). La dotation d’intercommunalité augmenterait quant à elle de 90 M€ (comme en 2024), cette hausse devant être financée par un "écrêtement" de la dotation de compensation intercommunale de la dotation forfaitaire des communes.
Puisque l’enveloppe de DGF est gelée, l’abondement des enveloppes des dotations de péréquation par écrêtement de la dotation forfaitaire et de la dotation de compensation aura pour conséquence une augmentation de la DGF pour certaines communes et intercommunalités et une diminution pour d’autres.
Afin d’assurer que la hausse de la DSR bénéficie à un maximum de communes, au moins 60 % de cette augmentation sera allouée à la deuxième fraction de la DSR, qui profite principalement aux communes de moins de 10 000 habitants.
Les dotations de soutien à l’investissement local (DSIL, DETR, DPV et DSID) sont également maintenues à leur niveau de 2024. En revanche, le projet de loi de finance prévoit que l’utilisation de ces fonds soit davantage fléchée vers des projets favorables à l’environnement.
6. Réduction du fonds vert
En 2025, le fonds vert est réduit à hauteur de 1 Md€ contre près de 2,5 Md€ en loi de finance 2024.
Exemple : Une région qui avait bénéficié de 10 millions d’euros du Fonds vert en 2024 pourrait voir son enveloppe réduite de moitié en 2025.
7. Arrêt de certains dispositifs de soutien
La dotation pour les titres sécurisés (DTS) et la dotation aménités rurales sont reconduites au niveau de 2024. En revanche, le dispositif dit du « filet de sécurité », mis en place en 2023, pour compenser la hausse des prix de l’énergie est arrêté. Le fonds de soutien au développement des activités périscolaires (FSDAP) sera également supprimé, comme déjà annoncé, en septembre 2025.
8. Elargissement du nombre de communes rurales en zonage France ruralités revitalisation (FRR)
La loi de finances pour 2024 a remplacé l’ancien dispositif des zones de revitalisation rurale (ZRR) par un nouveau zonage, dénommé France ruralités revitalisation (FRR), auquel sont adossées un certain nombre d’aides fiscales et non fiscales.
Cette réforme des dispositifs de soutien aux territoires ruraux en difficulté s’est traduite par l’intégration de plus de 2 000 communes dans la liste des communes éligibles au zonage, mais elle a aussi eu pour conséquence de faire sortir des dispositifs de soutien 2 168 communes, qui bénéficiaient jusque-là du classement en ZRR.
Ces communes continueront finalement de bénéficier jusqu’au 31 décembre 2027 des effets du dispositif des zones FRR.
Attention !
Toutes ces mesures sont susceptibles d'évoluer - notamment celles qui concernent le fonds de prélèvement des recettes de fonctionnement - en fonction des différents amendements qui seront adoptés lors des débats parlementaires, avec l’assentiment ou non du Gouvernement.
Un webinaire détaillé est prévu prochainement pour aborder ces évolutions et apporter des précisions sur l'ensemble des mesures du projet de loi de finances 2025. Vous pourrez obtenir des informations actualisées et poser vos questions. Nos consultants sont également à votre disposition pour toute question.